“Recréons des communautés !”

“Recréons des communautés !”

Rita Haodiche, 28 ans, a représenté la Suisse au Young symposium de Cracovie. Pour le CRV, elle retrace son parcours, revient sur ce temps fort et sur les impacts dans son quotidien.

Adolescente, au sein d’une communauté paroissiale vieillissante, Rita se pose des questions: «Comment vivre ma foi? Qu’est-ce que le Christ représente pour moi? Est-ce vraiment le Christ que je dois suivre?» Nous sommes nombreux à débuter notre vie de foi en suivant nos parents à l’église mais arrive un jour où nous devons choisir de dire oui au Christ et vivre notre propre relation avec Lui. La catéchèse et le parcours de confirmation sont un lancement pour notre vie de foi mais Rita regrette que cela s’arrête si vite. «Après la confirmation, c’est terminé. Il n’y a plus de parcours officiel proposé.»

Après sa maturité, Rita quitte Genève pour étudier à l’EPFL. Au travers des aumôneries et de différents groupes de jeunes entre Genève et Lausanne, elle essaye de trouver sa place. Tous ces moments de partage et de prière entre pairs ont été un renforcement précieux dans son cheminement. Elle y découvre que la foi n’est pas réservée à «papi, mamie» mais que les jeunes ont aussi leur place dans l’Eglise.

“La foi n’est pas un saut dans le vide”

A la recherche d’une communauté

Marquée par la solitude éprouvée dans sa première communauté ecclésiale, Rita souhaite ardemment recréer de vraies communautés vivantes. «Il y a beaucoup de groupes de jeunes autour de nous mais je ne vois pas de rendez-vous hebdomadaire. Ces groupes fonctionnent plutôt par dates clés. Avant il y avait une messe jeune au Sacré-Cœur mais l’église a brûlé, nous nous sommes donc déplacés dans une autre église. En effectuant ce changement, nous avons perdu des paroissiens. Puis, il y a eu le Covid… et nous avons encore perdu du monde. Et après… plus rien.» Ce triste constat n’a pour autant pas abattu Rita. Au fond de son cœur, elle sent qu’elle doit agir.

Lors d’un week-end à Taizé, elle échange avec des amies à ce sujet. De leur discussion nait une idée. Elles contactent le responsable de la pastorale des jeunes à Genève qui les redirige vers Pascal Desthieux. Après un accueil chaleureux et une belle discussion, le projet d’une messe animée par les jeunes le dimanche à 20h30 à la Basilique Notre-Dame de Genève voit le jour.

Le plus de cette messe est la rencontre des jeunes après la célébration. «On se réunit sous l’église, on échange, on crée des liens. On boit un thé froid ou une bière et on forme une communauté. On se soucie des uns et des autres, on prend des nouvelles.» Chaque semaine, de nouvelles têtes apparaissent, certaines personnes reviennent, d’autres non. Rita a su transformer ce manque ressenti durant son adolescence en action concrète qui permet aujourd’hui à une quinzaine de jeunes de cheminer ensemble dans la foi.

« On n’a pas envie de vivre notre foi tout seul. »

Dans cette optique de «faire communauté», Rita déplore les difficultés de communication au sein de l’Eglise. Ce n’est qu’à 28 ans qu’elle découvre par exemple que des festivals pour les 18-30 ans ont lieu tous les étés non loin de Genève et que cela fait des années que ça existe. Pourquoi ces informations ne passent-elles pas? Elle qui est en recherche de Dieu, en recherche d’une communauté n’a pas trouvé les réponses dont elle avait besoin.

Avec le temps, elle découvre qu’un panel impressionnant de groupe est proposé sur Genève. Face à ce nouveau constat, Rita propose la création d’un groupe WhatsApp qui informe les jeunes intéressés de tout ce qui se fait sur Genève. «Sous un format de newsletter qui arrive directement dans ta conversation WhatsApp, tu peux ainsi être au courant de tout.» Aujourd’hui, ils sont une centaine de jeunes. Seuls les administrateurs peuvent écrire sur le groupe. (Si tu souhaites d’ailleurs recevoir ces informations, écris un e-mail à infonet.pjge@gmail.com)

Rita lors de la 1e soirée Connect à Genève – ©Marta de Benito Ortiz

De Genève à Cracovie

Début 2022, Rita a répondu à un appel à bénévole pour les JMJ de Lausanne, ce qui lui a ouvert les portes de l’Eglise de Suisse romande. Grâce à son engagement, Claire Jonard lui propose de se rendre en Pologne pour représenter la Suisse au Young symposium organisé par le Conseil des Conférences Episcopales d’Europe (CCEE) sur le thème Lève-toi ! Le Christ t’appelle. Christus Vivit en Europe.

Elle qui n’a aucune formation en église, qui n’a jamais fait de théologie, est tout d’abord impressionnée de la tâche qui lui est confiée. En lisant le programme, elle découvre que c’est en fait exactement ce dont elle a besoin. «A ce moment, je me dis que c’est le Seigneur qui me veut là, que c’est peut-être mon appel. Ça colle parfaitement avec les démarches que je suis en train de faire. Ça va m’aider de voir ce que font les autres jeunes des pays d’Europe.»

Groupe de travail au Young Symposium à Cracovie ©ccee.eu

Entre les laudes, les prières les messes, beaucoup de sujets sont abordés et discutés. Parfois, ce sont des représentants de groupes de jeunes qui prennent la parole pour présenter des projets mis en place dans leur diocèse. Au début des rencontres, Rita ressent un petit ton accusateur envers les jeunes qui ne vont pas à l’église, puis le ton à vite changer et l’accusation s’est transformée en remise en question: «Que peut-on faire pour mieux les accueillir? Comment créer un espace où les jeunes se sentent accueillis, non-juger, toujours dans l’Amour du Christ? Comment aider les jeunes à se sentir à l’aise, à trouver leur place, trouver leur identité?».

Très vite, la liberté et la simplicité dans les prises de paroles s’installent. «Tout le monde est venu dans cette démarche d’écoute et d’apprentissage des uns et des autres. Chacun a pu parler de sa façon de vivre sa foi, de ses difficultés, notamment avec l’absence des jeunes à l’église. On a très vite remarqué que dans tous les pays d’Europe, c’est la même chose mais il y a des solutions!»

Groupe de travail au Young Symposium à Cracovie ©ccee.eu

Jésus était entouré d’amis

Si Rita doit retenir une chose de ce symposium, c’est que nous ne sommes pas seuls dans la foi. Il nous faut rechercher Dieu mais aussi un lien d’amitié les uns envers les autres. C’est dans cette amitié que beaucoup de choses sont créées. «Regardez Jésus, lui aussi était entouré d’amis. Jusqu’à sa Passion il leur demande de rester avec lui. Faire communauté, c’est de ça dont l’Eglise a besoin. Partir après la messe, ce n’est pas un problème mais je pense qu’il y a besoin aussi d’échanger sur le parvis de l’église: qu’est-ce que tu deviens? Est-ce que ta semaine s’est bien passée? Comment vas-tu? – Pas trop bien. – Alors je vais prier pour toi.»

Dans une homélie, un prêtre lui dit un jour: «Un chrétien seul est un chrétien en danger.» Cette phrase a profondément touché Rita. «Quand j’étais dans cette petite église où il n’y avait que des personnes âgées, je ne comprenais pas. Mais il y a effectivement pas mal de danger à être seul, notamment à propos des fausses croyances. Les lectios-Divina sont un bon remède par exemple : comment lit-on la Bible ensemble? Comment prie-t-on ensemble? L’essentiel, c’est de ne pas se sentir seul, surtout après le Covid.»

Il nous faut retrouver qu’on a des frères et sœurs en Christ et qu’on est là, tous ensemble.

Une Eglise à l’écoute

Un dernier fait marquant à propos du symposium: l’écoute des prêtres, évêques et archevêques. «Ils m’ont montré qu’ils étaient prêts à écouter les besoins des jeunes. L’Eglise, ce n’est pas quelque chose de figé, qui est hyper carré. Le simple fait que toutes ces personnes se soient déplacées pour écouter les jeunes en est une preuve. Surtout, ils ont donné la parole aux jeunes pour écouter leurs vrais besoins. L’Eglise doit aller là où sont les jeunes, elle doit oser aller les chercher.»

Louange lors de la 1e soirée Connect à Genève – ©Marta de Benito Ortiz

Rayonner de l’Amour du Christ

Rita est maintenant sûre d’une chose : nous avons toutes et tous une mission, un appel particulier. Et cela ne se limite pas à devenir prêtre ou religieuse. Il y a énormément de chemin et chacun à son rôle, sa place dans l’Eglise, sa place dans le monde. Pour elle, chacun doit évangéliser à sa manière. «Au final, on est tous ensemble et on doit rayonner de l’Amour du Christ. En tant que chrétien, on a une lumière, un feu, en nous. On doit le protéger, le nourrir mais aussi le partager, le répandre. Le Christ nous appelle à parler de notre foi, à ne pas avoir honte, ni peur de parler de Lui.»

La foi ne doit pas être un tabou dans notre monde laïc.

«Je suis venue en Suisse parce qu’on a été persécuté. En Irak, ça devenait dangereux d’être chrétien vu qu’on était une minorité. C’était compliqué de vivre sa foi. Quand je suis ici et que je vois qu’il y a des chrétiens qui n’ont pas vécu de persécution et pourtant ils ont peur… Ici, on a cette liberté, chacun peut s’exprimer comme il veut. Alors on peut dire qu’on est chrétien, il n’y a pas de raison de se cacher!»

 

Propos recueillis par Benjamin Bender